Dans une décision du 14 novembre 2011, les juges de la 17 ème Chambre du TGI de Paris ont refusé d’accorder le statut d’hébergeur à Google, dans le cadre de son service de référencement payant Adwords.
Dans cette affaire, Monsieur Olivier M. se plaignait de la mise en ligne d’un article le concernant et de photographies accessibles à l’adresse www.gala.fr, qu’il estimait attentatoires au respect dû à sa vie privée et au droit à l’image.
Surtout, il considérait que la responsabilité de Google devait être engagée, dans la mesure où elle avait autorisé la société éditrice du site www.gala.fr à utiliser son nom comme mot clé payant pour diriger les internautes vers un lien commercial.
En effet, lorsque ses nom et prénom étaient saisis sur le moteur de recherche, la première occurrence apparaissant à droite de l’écran était un lien commercial renvoyant à l’article et aux photographies litigieuses intitulé : « News-Olivier M. Les chagrins d’amour les plus célèbres : le cas Olivier M. » suivi du nom du site www.gala.fr.
Il décidait alors d’assigner la société éditrice du site www.gala.fr ainsi que les sociétés Google Ireland LTD et Google France.
Laissons de côté les demandes dirigées contre l’éditeur du site internet pour nous intéresser spécifiquement à Google.
Pour pouvoir se prononcer sur le caractère fautif ou non de l’atteinte au droit au nom de Monsieur Olivier M., les juges devaient au préalable trancher une question importante, attendue de tous : est-ce que Google bénéficie du régime protecteur des hébergeurs de l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), lorsqu’est mis en cause son service Adwords ?
Pour rappel, dans un arrêt du 23 mars 2010, la Cour de Justice de l’Union Européenne avait « botté en touche », laissant aux juges nationaux le soin d’apporter une réponse à cette délicate question relative au droit de la responsabilité des moteurs de recherche.
Elle apportait tout de même un éclairage non négligeable, en précisant que « le rôle joué par Google dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien promotionnel ou dans l’établissement ou la sélection des mots clés » devait être pris en compte par les juges pour apprécier le rôle actif ou non de Google, dans telle ou telle affaire.
Le TGI de Paris a alors fait preuve d’un courage juridique certain en déclarant notamment que :
– la modification de l’ordre d’apparition des annonces caractérise déjà un rôle actif en ce que ce rôle est non négligeable compte tenu de l’importance pour un annonceur de figurer en page une des résultats plutôt qu’en page cent ;
– conformément à ce qu’il est indiqué dans ses « conditions générales des services de publicité », Google a connaissance des messages publicitaires et a la possibilité de les contrôler, ce qui établit l’existence de son rôle actif.
Et de conclure qu’en raison de « la connaissance avérée par le responsable du service Adwords du contenu des messages et mots clés, comme de la maîtrise éditoriale qui lui est contractuellement réservée », il convient d’exclure la qualification d’hébergeur et le bénéfice de dérogations de responsabilité qui lui est réservé.
Dès lors, soumises dans cette affaire au droit commun de la responsabilité, les sociétés Google ont été condamnées pour atteinte au droit au nom en ce que le nom de Monsieur Olivier M. a été sciemment choisi et utilisé comme mot clé pertinent afin de renvoyer à un article illicite.
Plusieurs enseignements doivent être tirés de cette décision majeure en droit de la responsabilité des moteurs de recherche.
– Il est possible d’assigner à la fois Google Ireland LTD et Google France. La jurisprudence dominante ayant jusqu’alors tendance à mettre hors de cause la société Google France ;
– Cette décision met fin à la protection absolue accordée majoritairement à Google dans le cadre de son service Adwords ;
– Il existe désormais des critères précis permettant d’apprécier le rôle actif de Google Adwords ;
– Bien qu’il soit encore trop tôt pour voir comment cette jurisprudence sera appliquée par les juges, il semble que le rôle actif de Google doit être apprécié au cas par cas ;
– Cette décision du 14 novembre 2011 ouvre la porte à de nombreux contentieux nouveaux.
Romain DARRIERE – Avocat à la Cour