Depuis plusieurs années déjà, de nombreux sites Internet ont pour activité principale la comparaison des prix de tel ou tel service ou produit, afin de proposer la meilleure offre à leurs clients.
Ces sites sont très utilisés en matière de réservation en ligne de titres de transport ou encore pour l’achat de vêtements ou de produits hi-tech. Le marché des assurances en ligne, en plein essor, est également visé par ces comparateurs de prix.
Toutefois, l’activité de ces sites est à l’origine d’un important contentieux, soulevant des difficultés juridiques certaines.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans un jugement du 15 décembre 2011, vient de trancher la question délicate du régime légal applicable aux comparateurs de prix, en décidant que de tels sites doivent être considérés comme des éditeurs.
Il s’agit d’un apport jurisprudentiel non négligeable en droit de la responsabilité des acteurs du Web.
En effet, lorsque la responsabilité de l’exploitant d’un site internet est susceptible d’être engagée, la première question qui se pose est de savoir si l’exploitant relève du régime du droit commun ou au contraire, s’il peut bénéficier du statut protecteur des hébergeurs institué par l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004.
En l’espèce, une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de chaussures de luxe (Weston) avait découvert :
– D’une part que sa marque était utilisée sur le site d’un comparateur de prix (www.shopping.com), sans son autorisation et pour désigner des chaussures d’une marque concurrente;
– D’autre part que la requête « chaussures weston » sur les moteurs de recherche Google et Yahoo provoquait l’apparition d’un lien commercial au profit du même comparateur de prix et que le fait de cliquer sur le lien hypetexte conduisait sur le site du comparateur de prix qui produisait des chaussures mais aucune de marque Weston.
Devant ces agissements, la société Weston décidait d’assigner le comparateur de prix sur le droit commun de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et de la publicité trompeuse.
Le Tribunal, au terme d’une argumentation particulièrement exhaustive, a fait partiellement droit aux demandes de la société Weston, considérant au préalable que le comparateur de prix était un éditeur et non un hébergeur.
Pour prendre leur décision, les juges ont procédé à une étude technique du mode de fonctionnement du site et ils ont également examiné les conditions générales liant le comparateur aux annonceurs.
Deux conclusions générales peuvent alors être tirées de leur analyse:
– un comparateur de prix qui opère une sélection préalable sur les informations fournies par ses partenaires marchands dans les fiches produits qui vont apparaître sur son site, exerce un rôle actif incompatible avec le statut d’hébergeur. En effet, cette sélection suppose une prise de connaissance et un contrôle préalable du contenu mis en ligne.
– un comparateur de prix qui peut contractuellement sélectionner, modifier et adapter le contenu de l’annonceur ne se livre pas à une simple mise en ligne des informations qui lui sont fournies. Au contraire, ce pouvoir d’intervention sur le contenu manifeste une prise de connaissance et un rôle actif auprès des annonceurs afin d’optimiser leurs offres.
Cette jurisprudence du TGI de Paris illustre une nouvelle fois sa volonté de limiter l’application du régime des hébergeurs aux seuls prestataires « purement » techniques.
Après la condamnation de Google dans le cadre de son service Adwords, qui sera la prochaine victime des juges parisiens? Affaire à suivre…
Romain DARRIERE – Avocat à la Cour