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3 février 2012

Le cadre juridique applicable à la vidéoprotection dans l’entreprise

L’utilisation de caméras de surveillance sur le lieu de travail est soumise au respect de règles strictes. Avant toute installation d’un dispositif de vidéoprotection, les employeurs doivent se poser plusieurs questions fondamentales.

1) Quel est l’emplacement des caméras de surveillance ?

Tout d’abord il s’agit de déterminer dans quels lieux les caméras de surveillance doivent être placées. Les régimes juridiques applicables sont en effet différents.

 a) Un lieu ou un établissement « ouvert au public » :

Si l’employeur souhaite surveiller « un lieu ou un établissement ouvert au public », la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 telle que modifiée par la loi du 14 mars 2011 a vocation à s’appliquer. Le régime alors applicable est un régime d’autorisation.

Toute la difficulté réside dans ce qu’il faut entendre par « lieu ou établissement ouvert au public »…

Autant il existe des hypothèses évidentes (commerce de proximité, supermarchés, galeries marchandes, parkings…).

Autant il existe des cas plus compliqués. Par exemple, les couloirs des chambres d’hôtel doivent-ils être considérés comme des lieux ouverts au public ? Qu’en est-il d’une zone de déchargement d’une grande surface ?

Seule une analyse au cas par cas permet de traiter les cas litigieux, en s’appuyant quand cela est possible sur certaines jurisprudences.

Une fois ce premier problème résolu, l’employeur doit alors déposer une demande d’autorisation d’installation à la préfecture du lieu d’implantation du dispositif ou, à Paris, à la préfecture de police.

Sans entrer dans plus de détails, il convient de préciser que cette demande doit alors être accompagnée d’un dossier administratif et technique dont le contenu est précisé par le décret n° 96-926 du 17 octobre 1996.

Bien que renouvelables, les autorisations préfectorales sont limitées à cinq années.

Par ailleurs et conformément au Code du travail, le public, les salariés, le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail et, le cas échéant, les représentants du personnel, doivent être informés de l’existence du dispositif de surveillance.

Cette information peut se faire par le biais d’affiches ou de panonceaux, dont le format, le nombre et la localisation vont varier selon la taille et la situation des lieux ouverts au public.

Reste enfin à préciser que les autorités préfectorales étudient, lors de l’examen du dossier d’autorisation, la finalité poursuivie par le dispositif de vidéoprotection.

Dans la grande majorité des cas, l’employeur qui souhaite faire surveiller un lieu ou un établissement « ouvert au public » doit alors démontrer qu’il existe des risques d’agression ou de vol et que la sécurité des personnes et des biens doit être préservée.

b) Un lieu « privé »

Si l’employeur souhaite protéger ou surveiller un lieu « privé », alors la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 telle que modifiée par la loi du  6 août 2004 a vocation à s’appliquer. Le régime alors applicable est un régime de déclaration.Ainsi, l’employeur qui souhaite contrôler des locaux qui n’accueillent pas de public, uniquement accessibles aux salariés de l’entreprise, doit préalablement faire une déclaration auprès de la Cnil.

Cette déclaration est fondamentale en ce qu’elle permet à l’employeur d’opposer à ses salariés son dispositif de surveillance. En d’autres termes, sans déclaration préalable, les caméras de surveillance ne sont d’aucune utilité et ne peuvent servir de preuve.

Comme pour les lieux ouverts au public, l’employeur est soumis à une obligation d’information des employés et des représentants du personnel.

Plus globalement, un dispositif de vidéoprotection dans un lieu privé doit respecter les principes généraux du respect à la vie privé du salarié, du droit à l’image et du droit du travail.

L’employeur doit notamment être conscient que l’article 226-1 du Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende toute personne ayant volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en fixant, enregistrant ou transmettant l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

c) Un lieu « mixte »

Il existe enfin des systèmes de vidéoprotection pouvant être qualifiés de « mixte » parce qu’ils traitent à la fois  des images prises dans des lieux non accessibles au public et des images prises dans des lieux ouverts au public ou sur la voie publique.

Dans pareille hypothèse, une circulaire du 14 septembre 2011 a précisé qu’il y a lieu de faire application à la fois de la loi du 21 janvier 1995 et de la loi du 6 janvier 1978.

Ainsi, le préfet et la Cnil doivent examiner les demandes de l’employeur chacun pour ce qui le concerne et au regard des seules règles qu’il ou elle a compétence pour appliquer.

2) Quel est le système de surveillance envisagé ?

Comme cela est souvent le cas, les règles de principe qui viennent d’être évoquées connaissent certaines exceptions.

a) Les systèmes de reconnaissance faciale dans les lieux ouverts

Pour les systèmes utilisant des technologies d’identification des personnes particulièrement avancées, comme la reconnaissance faciale par exemple, la Cnil doit être saisie préalablement à l’installation du dispositif de vidéoprotection, alors même que le système est mis en œuvre sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public.

Une telle hypothèse constitue ainsi une exception à la procédure classique consistant à demander une autorisation préfectorale.

b) Les systèmes de simple visionnage des lieux privés

Dans un avis du 24 mai 2011, le Conseil d’Etat est venu préciser la situation légale des simples systèmes de visionnage d’images installés dans les lieux privés.

Ainsi, dans le cas où un employeur entend uniquement mettre en place un dispositif de « visionnage », sans que les images ne soient enregistrées ou conservées, alors toute déclaration préalable à la Cnil est inutile.

Les employeurs l’auront compris. Seul le respect des (trop ?) nombreuses dispositions légales relatives à la vidéoprotection permet d’assurer aux dispositifs de surveillance une efficacité juridique certaine.

Romain DARRIERE – Avocat à la Cour