A l’heure de la dématérialisation des jeux vidéo et à l’aube du cloud gaming, les ventes de jeux « physiques » sur Internet restent élevées, qu’elles concernent le marché du neuf ou de l’occasion.
Il suffit de relever le nombre d’annonces publiées sur des sites comme Ebay, Leboncoin ou Priceminister pour s’en convaincre.
Dans ce contexte où vendeurs professionnels et vendeurs occasionnels coexistent, il n’est pas rare que certains joueurs ne soient pas pleinement satisfaits de leur achat en ligne.
Pour autant, peuvent-ils bénéficier d’un droit de rétractation ? La question se pose essentiellement pour les jeux physiques mais aussi, évolution oblige, pour les jeux et applications téléchargés.
Qu’est-ce que le droit de rétractation ?
Pour rappel, le droit de rétractation signifie qu’un acheteur peut renvoyer un objet au vendeur pour échange ou remboursement, dans un délai de sept jours à compter de la réception effective du bien.
L’acheteur n’a pas à fournir de motifs au vendeur ni à payer de pénalités, à l’exception des stricts frais de retour, le cas échéant. Le remboursement doit intervenir au plus tard dans les trente jours suivant la date de rétractation.
Différentes raisons peuvent motiver un joueur à se rétracter : jeu terminé avant l’expiration du délai légal de 7 jours, contenu du jeu décevant, ou mensonge du vendeur quant à la qualité du boitier ou de l’emballage.
Toutefois, le droit de rétractation n’est pas absolu et que son application dépend de plusieurs paramètres. Petite mise au point…
Le cas des vendeurs particuliers : Cette hypothèse est simple. Le droit de rétractation ne peut être appliqué qu’entre un consommateur et un vendeur professionnel. Ainsi et sauf s’il en décide autrement, un vendeur particulier qui a vendu un jeu vidéo sur un site d’e-commerce n’est jamais obligé d’accepter un retour, quelque soit la raison invoquée par l’acheteur.
Le cas des vendeurs professionnels : Trois hypothèses doivent être envisagées, tout en précisant que le « professionnel » se définit comme celui qui exerce une activité de manière habituelle/régulière ET à titre lucratif.
A titre d’information, le site Ebay impose désormais à toute personne inscrite comme « Vendeur » sur sa plateforme, qui dépasserait un seuil de chiffre d’affaires (2000 € par mois sur 3 mois consécutifs), de se déclarer comme « Professionnel » avec toutes les conséquences que cette qualification engendre.
– Si le jeu vidéo vendu est un jeu d’occasion, alors le vendeur professionnel n’a à priori aucune obligation en matière de droit de rétractation. Le Code de la consommation prévoit en effet que ce droit est exclu pour les contrats de « fourniture d’enregistrement audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur ».
La difficulté réside dans le fait que la notion de « descellement » n’est pas adaptée aux jeux vidéo, lesquels ne sont pas à proprement parler des « logiciels ». La qualification juridique des jeux vidéo a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre mais ceci est un autre sujet…
Quoi qu’il en soit, en cas de conflit entre un vendeur et un acheteur, il est évident qu’un débat pourrait s’instaurer autour de l’interprétation à donner à la notion de « descellement ».
Cependant, je suis de ceux qui estiment que cette notion doit être interprétée de manière large et fonctionnelle et qu’un jeu d’occasion, qui est nécessairement déjà ouvert, est « descellé ». Affaire à suivre !
– Si le jeu vidéo est un jeu neuf, alors le droit de rétractation doit pouvoir être opposé au vendeur professionnel, à condition que le joueur ne l’ait pas « descellé ».
– Si le jeu est téléchargé sur Internet : Il est de notre avis que tout droit de rétractation doit être exclu. En effet, une œuvre mise à la disposition en ligne doit être considérée comme « descellée » dès que le joueur en a commencé le téléchargement.
Vous l’aurez compris, l’arsenal juridique « classique » est souvent inadapté au monde du jeu vidéo, dont les multiples évolutions sont trop rapides pour nos amis parlementaires…Pourtant des règles existent. Reste à les interpréter de la manière la plus équitable qui soit, tant pour les vendeurs que pour les acheteurs.
Romain Darriere – Avocat à la Cour