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3 mars 2021

Condamnations pénales et protection de la vie privée : la Cour de cassation rend une décision très importante

Dans un arrêt du 17 février 2021, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée dans « l’affaire Psiram » initiée par le cabinet devant la 17ème chambre de la presse du Tribunal Judiciaire de Paris et qui avait donné lieu à un jugement de condamnation en date du 14 février 2018.

Pour un rappel de la procédure de première instance :

https://romain-darriere.fr/2018/03/contributeur-francais-site-internet-www-psiram-com-condamne-violation-de-vie-privee/

En appel, le jugement avait été infirmé sur le fond. Un pourvoi a alors été interjeté.

Le point central de ce dossier était de savoir si la mention d’une condamnation pénale peut, dans certaines hypothèses, constituer une atteinte à la vie privée de la personne concernée.

Le sujet n’était pas évident ; de fait, la Cour d’appel de Paris et la Chambre de la presse du Tribunal n’ont pas eu la même analyse de la situation dans ce dossier. L’éclairage de la Cour de cassation était donc très attendu.

C’est ainsi qu’au visa de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du code civil, la Cour de cassation a énoncé, en s’appuyant sur la jurisprudence de la CEDH, que « la mention dans une publication des condamnations pénales dont une personne a fait l’objet, y compris à l’occasion de son activité professionnelle, porte atteinte à son droit au respect de la vie privée ».

Ainsi et par principe, toute condamnation pénale entre désormais dans la sphère des éléments protégés par le droit au respect de la vie privée.

D’un point de vue pratique, cet apport jurisprudentiel est loin d’être anodin en ce qu’il devrait permettre à toute personne ayant été condamnée pénalement, y compris à l’occasion de son activité professionnelle, d’exiger la suppression des contenus faisant publiquement référence à son passé pénal, notamment sur internet.

L’ancienneté ou non des condamnations pénales ne semble pas être un critère pertinent dans l’appréciation de l’atteinte au droit à la vie privée.

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Cela étant précisé, la Cour de cassation a également rappelé que le droit au respect de la vie privée pouvait céder sa place au droit à la liberté d’expression tel qu’instauré par l’article 10 de la Convention de sauvegarde, ces deux droits ayant « la même valeur normative ».

Selon la Cour, il appartient donc au juge saisi de « mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime ».

De façon fort intéressante, une grille de lecture a alors été établie par la Cour de cassation.

La mise en balance des intérêts en jeu doit ainsi être effectuée « en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies et, même si le sujet à l’origine de l’article relève de l’intérêt général, il faut encore que le contenu de l’article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question ».

 Or, dans cette affaire, il a été reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché, « comme il le lui incombait au regard de l’atteinte portée à la vie privée » du requérant, « si la publication en cause s’inscrivait dans un débat d’intérêt général justifiant la reproduction des condamnations pénales le concernant ».

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris a ainsi été cassé pour défaut de base légale.

Il appartient désormais à la Cour d’Appel de Versailles de se prononcer dans cette affaire.

L’arrêt de la Cour de cassation est accessible ci-dessous :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043200262?isSuggest=true

Le site legalis.net en a également fait un commentaire, à l’adresse suivante :

https://www.legalis.net/actualite/atteinte-a-la-vie-privee-pour-reproduction-de-condamnations-penales/