Dans une ordonnance de référé du 12 août 2016, le Tribunal de Grande Instance de Paris a très sévèrement sanctionné l’auteur d’une usurpation d’identité numérique, en précisant plusieurs points de droit importants.
Ainsi, le Président du Tribunal a rappelé, sur la question de sa compétence matérielle, « que la réparation d’un trouble manifestement illicite résultant de la commission d’une infraction pénale et le prononcé des mesures propres à faire cesser ce trouble n’échappent nullement aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l’article 809 du Code de procédure civile« .
En d’autres termes, il est donc parfaitement possible de saisir la juridiction des référés pour faire cesser un trouble résultant d’infractions pénales commises sur le réseau internet.
Le Président a également rappelé, en ce qui concerne le cyber-harcèlement, que cette infraction ne peut être invoquée que pour des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi n°2014-873 du 4 août 2014 ayant instituée l’article 222-33-2-2 du Code pénal.
Par ailleurs, pour que le délit soit constitué, le magistrat a souligné l’importance de produire des éléments permettant d’établir une altération de la santé physique ou mentale du demandeur en rapport avec les faits de cyber-harcèlement.
En pratique, il conviendra de fournir un certificat médical, étant précisé qu’il n’est pas nécessaire que ce certificat fasse état d’une ITT (même si une ITT de plusieurs jours est une circonstance de nature à aggraver la sanction).
Enfin, le Président du Tribunal a jugé que le délit d’usurpation d’identité numérique était constitué dans cette affaire, au motif que la mise en ligne du site internet du défendeur, « créé sous les nom et prénom de Madame X et exploitant différents clichés qui la représentent pour illustrer, en les détournant de leur contexte de fixation, une mise en scène infamante de sa personnalité et de celle de son père« , a pour objet, « à l’évidence, de nuire à la requérante en salissant sa réputation sur internet et en exploitant la calomnie ainsi jetée publiquement sur elle pour satisfaire la vindicte du défendeur contre son père« .
Cette décision est intéressante en ce que les termes utilisés par le Tribunal sont particulièrement forts. Manifestement, les juges ont désormais pris conscience de ce qu’il est nécessaire de sanctionner sévèrement les comportements irresponsables et indécents commis sur le réseau.
D’ailleurs, la condamnation est à la hauteur de la motivation du Tribunal : le défendeur est condamné à payer à la demanderesse 8000 euros de dommages et intérêts, « eu égard au caractère extrêmement attentatoire et calomnieux du site litigieux » (…) « et au fait que ce site a été référencé par le moteur de recherche de Google dans les résultats générés sous les nom et prénom de la demanderesse ».
Le défendeur doit aussi verser 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Cette décision, qui a été commentée sur le site www.legalis.net, est accessible à l’adresse URL suivante:
http://www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=5095